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Suite à mes articles et dans lesquels j’encourageais une action plus signifiante en opposition à Hadopi, j’ai finalement choisi personnellement la date du 31 Mars, jour de la reprise des débats, pour fermer les rideaux complètement. Un tel délai, si vous vouliez aussi l’adopter, laisserait assez de temps pour une large mobilisation.

Et un petit détail résonne dans un coin de ma tête : pourquoi nous sentons-nous si peu dangereux, si inoffensifs en cas de mobilisation générale ? N’avons-nous pas créé Mickael Vendetta ? Ne coûtons-nous pas des millions d’euro à l’industrie du disque ? Est-ce juste Français, ou juste générationnel, de ne pas oser espérer pouvoir foutre le bronx du siècle sur Internet ? On est est chez nous ou pas ?

Ma première intervention avait été de déplorer l’aspect mou, illimité dans le temps et trop nuancé de ce que la Quadrature du Net avait maladroitement appelé le black-out – je dis maladroitement car cela appelait à une comparaison qui n’a pas lieu d’être avec l’opération Néo Zélandaise qui, elle, se concentrait sur des journées précises, et pratiquait l’extinction totale des sites avec message unique.

Malgré une orientation plus concrète et plus pragmatique du discours de la part de la Quadrature, je n’ai toujours pas vu (sauf erreur, auquel cas je m’en excuse) d’appel précis pour une date précise durant laquelle, le plus possible de blogs, sites, acteurs d’internet  mettent au noir complet leur site,  avec affichage d’un message unique.

Au fur et à mesure des jours, en voyant notamment sur twitter l’intérêt presque unanime des utilisateurs francophones autour des débats à l’assemblée, je me suis effectivement demandé pourquoi nous nous sentions si inoffensifs, si une tentative venait à être faite de secouer le web de notre hexagone pendant une journée.

C’est une question sincère de ma part. Je me pose réellement la question – je déplore de ne pas avoir de connaissance techniques pour savoir si il est si compliqué de semer la pagaille (google bombing, campagnes emails massives, occupation des commentaires, saturation par le message) sur internet que nous disons tous si bien connaitre, le sourire en coin, en caressant notre iphone.

Lors de la sortie du film « Cyprien », pendant une semaine tous les magazines se sont amusés à faire le portrait robot du geek et surtout de cette génération apparue on ne sait trop quand, dans un chan IRC, ou plus tard, Caramail, ou plus tard, MSN, qui lève et se dit web addict, geek dans l’âme, « passionné de nouvelles technologies », « enfant d’internet ». Tous ces portraits, caricaturaux au possible, ont eu en tout cas l’utilité de marquer l’incapacité de définir ce qu’est cette génération internet française.

A une époque, il y a peut être 8 ou 9 ans de cela, on parlait encore d’interactivité. On en rêvait. On opposait à la télévision media vis-à-vis duquel nous étions passif, à Internet, dans lequel le spectateur était acteur, où nous construisions nous même le contenu, une image finalement fantasmée, ayant cristallisé cette vague « Web 2.0 », mais qui n’est qu’une fine couche de sucre.

Finalement peut-être que le surfer au cuisse musclées qu’était l’internaute du début des années 2000 est redevenu un couch potatoe, toujours passif, regardant d’un oeil vitreux des vidéos de vieilles qui se vautrent sur facebook, et les réaiguillant vers des amis proches, accomplissement sa B.A de « dénicheur de contenu » pour la journée.

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Sommes-nous des boeufs ? Êtes-vous des boeufs ? Est-ce que la seule réaction à cette dénégation d’Internet comme droit fondamental ne mérite de votre part que des gifs animés dans votre sidebar et un meeting entre copains devant l’assemblée , où l’on a pu voir plus de nokias brandis pour se photographier que de poings brandis ?

Je ne peux pas croire que nous soyions si peu à nous sentir concernés. Je ne peux pas croire que les habitants de cet internet français, quelque soit votre âge, puisse penser un seul instant que le combat est inutile,  et que nous sommes de toute façon des fourmis face au système.

Si l’inaction se fait aussi unanime, elle validerait l’hypothèse du Geek de Fnac, voilà, un simple consommateur, passé de la consommation passive de la télé à la consommation passive d’internet. OK pour regarder TOUS LES WEEK-ENDS des films piratés, OK pour graver à leur parents TOUS LES ALBUMS de Johnny, OK pour passer des heures sur Facebook et twitter à s’envoyer des liens rigolos, sans vraiment réaliser à quel point cette situation si privilégiée doit non seulement demeurer intacte, mais doit être revendiquée.

Je suis de l’avis de Me Eolas en doutant énormément de l’efficacité à terme de cette loi Hadopi, car moi aussi, en d’autres circonstances et par le biais d’autres aventures, j’ai lutté contre la loi DAVDSI et ai vu cette mesure s’écrouler comme une ivrogne en fin de course.
Mais nous ne pourrons pas passer notre vie à escompter de l’échec des lois liberticides, il faut de temps en temps montrer qu’on est là.

Montrer que l’internaute français, qui télécharge illégalement, utilise internet quotidiennement, s’en sert comme outil social, culturel, sexuel, communautaire, ne sert pas qu’à créer des « buzz », ne sert pas qu’à s’échanger mollement des vidéos de chanteurs ringards, ne sert pas qu’à donner du travail à Laura du Web, aux Enfants de la Télé ou au Grand Journal.

Voilà – moi je ne suis pas spécialiste de grand chose, mon seul petit talent est peut-être la gestion de communautés, c’est le seul truc pour lequel je pourrais être payé de temps en temps.
Mais quand je suis sur twitter, je vois tant de gens spécialistes , spécialistes en SEO, spécialistes en sécurité, spécialistes en « buzz », spécialistes en washi washa, spécialistes Relations presses, spécialistes en rédaction, spécialistes en design, spécialistes en programmationpourriez-vous utiliser vos talents s’il vous plait ?

En SEO, pas d’idée brillante pour faire un pied de nez à la loi  ? Briller sur Google ? Faire un Woaow effect ? Comment faire du 31 Mars une grosse journée, une grande journée ?
Comment impliquer les medias ?
Comment impliquer tous les internautes qui ne sont pas forcément des blogueurs ?
Comment faire pour que sur Facebook le jeu du black out intéresse plus de monde que le jeu de la pochette ?
Nous qui pouvions assembler un ordi les yeux bandés, comme nos pères assemblaient les mobylettes, c’est tout ce qu’on a sous le pied ?

Comment réclamer une liberté que nous ne serions pas en mesure d’honorer pendant juste 24 heures ?