Pour Dieu sait quelle raison, une publicité diffusée pendant Noël vantant les mérites d’un pack Canalsatellite m’est sortie des yeux à un point rarement atteint auparavant.
Etait-ce dû à la voix de l’interprète, à la musique, aux passages en boucle à la radio, honnêtement je ne pourrais pas vous le dire. Mais l’écoute seule de cette chanson, avec ou sans l’image, provoque en moi une vague de stress me portant au bord de l’évanouissement.

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Le sommet de l’exaspération survient pour moi vers les 0:29, lorsque la voix chante le mot « démentieeeeel ». A ce moment-là précis, je pourrais frapper du poing l’écran d’ordinateur de quelqu’un d’autre, à m’en faire péter les phalanges.

En essayant d’analyser la haine pour l’annonceur que pouvait créer en moi cette publicité, quelque chose me vint à l’esprit : il n’existe pas à ma connaissance de site où les consommateurs puissent publiquement faire part de l’inefficacité d’une publicité, et surtout de l’effet inverse qu’elles ont causé en eux. Une sorte de site regroupant des « class actions » de la hate.

Je pourrais par exemple y ouvrir une nouvelle discussion en affirmant :

LES SUPER RENNES DE NOEL
“ Moi Henry Michel suite à la diffusion de la publicité “les super rennes de Noel”, m’engage à ne jamais acheter de produits Canal Sat, suite à l’exaspération qu’a fait naitre en moi cette réclame”.

Et les gens qui auraient le même avis que moi pourraient signer également cet engagement. Un par un.

“Moi aussi, cette pub c’est la pub en trop. Je m’engage à ne jamais acheter d’abonnement au bouquet Canalsat”. daisy320 de Tours.

Et si le site devenait populaire, ce serait des milliers de personnes qui témoigneraient et apporteraient une nouvelle donnée dans le monde du marketing.

Bien sûr quelques mauvais esprits affirmeront que la seule chose qui intéresse les publicitaires et l’annonceur, ce sont les réactions favorables, neutre/ favorables ou neutres face à la publicité, car eux consomment, et que par défaut celui qui n’aimera pas passera juste du statut de non-consommateur à non-consommateur.
Mais quand même, je ne parle pas seulement d’avis négatif, je parle d’ENGAGEMENT DE NON ACHAT. Je parle du passage d’INTENTION NEUTRE A UNE INTENTION DE NON ACHAT.  UNE PERTE SECHE LES COCOS.
On nous raconte souvent que pour les opérateurs téléphoniques un abonné vaut plusieurs milliers d’euro à terme, ils font des pieds et des mains pour vous faire changer de forfait,  ne me dites pas que cela ne pourrait pas les embêter – ne serait-ce qu’un tout petit peu ?! Laissez-moi rêver.

Pour verrouiller le truc, on pourrait renforcer cette intention de non achat par une profondeur générationnelle. Aggraver la formule, et s’y tenir. Je m’imagine déjà, au téléphone avec une hotline quelconque de provider téléphone/internet, articulant très calmement :

“Madame. Vous m’avez tellement cassé les couilles que je vais résilier mon compte immédiatement, et je fais le serment de ne plus jamais souscrire à vos services, et d’éduquer mes deux enfants dans le rejet profond de votre marque, et de toutes les sous-marques de votre groupe”. Ca aurait de la gueule, en tout cas ça détendrait.

Sur les opérateurs c’est quand même plus touchy à faire que pour, par exemple, je l’ai déjà fait, une boulangère. Car il n’y a pas tant d’opérateurs internet que ça, donc en résiliant, il faut croiser des doigts pour que les pubs des concurrents vous plaisent – ou alors par sécurité il faut éteindre sa tv et sa radio.
La boulangère je lui avais mis sa race. Une boulangère à 50 mètres de chez moi. Antipathique au possible. J’ai supporté ça un mois, deux mois, et puis un beau jour, en réglant ma baguette, je me suis penché vers elle, je lui ai pincé le sein et lui ai murmuré :
« Toi , t’es la boulangère la plus antipathique de France. Et ton pain est moyen. Non seulement je ne viendrai plus dans ta boulangerie, mais je fais le serment sur l’honneur des Steenfort que je ne mettrai plus jamais les pieds dans cette boulangerie, et que je dépenserai chaque millilitre de salive, chaque souffle qu’il me restera, à raconter à mes amis et mes voisins à quel point votre établissement est indigne ». Et je suis parti.

Depuis j’ai tenu parole, devant faire chaque jour un détour de 12 minutes en voiture pour acheter mon pain. J’ai pu, je l’admet, craquer une ou deux fois en y envoyant ma fille tandis que je m’enfonçais dans le siège de la voiture pour ne pas être aperçu par la boulangère à travers la vitrine. Allez: deux ou trois fois pas plus.

Indignez vous ! N’ayez pas peur du dislike.

C’est encore un tabou sur Facebook, tout le monde le réclame, il ne vient pas, c’est le dislike. Pas l’unlike, qui est l’action de ne plus aimer, d’annuler un like,  mais le dislike, la pure énergie négative d’antipathie. Nous sommes en France. Nous serions les champions du monde de ce bouton.

Pourtant la force du feedback négatif n’est pas ignorée partout : il est très important sur les sites de voyages, de réservations d’hotel, de restaus, ou les sites d’enchères. Un phénomène plutôt logique : au plus le produit évalué est cher, au plus le dislike est accepté, argumenté et objectif.

Normal, car ce que l’on évalue ici est un bien fonctionnel : un hôtel qui part en morceaux reste un hôtel qui part en morceau. Quelques électeurs d’Europe Ecologie pourraient trouver ça typique, mais pour la majorité des gens, cela reste négatif.

Dans l’univers des produits culturels, le phénomène est très différent : un dislike vaut un like – il est une prescription positive comme une autre. Et c’est cela qui manque terriblement sur Facebook, au fil des vidéos, morceaux, sites et citations à la con postés par nos amis sur Facebook.

Facebook part de deux postulats à ce sujet. N°1 : le prescripteur le plus important pour vous reste votre entourage. Bon, why not. Postulat ,N°2 : seul compte ce qu’ils aiment. Et là,c’est une grossière erreur.
Car moi, je ne sais pas vous, mais j’ai deux grandes passions dans la vie  :
– détester tout ce que mes amis adorent, d’où l’importance du bouton dislike. Pour enfin pouvoir uriner SANS DEVOIR ARGUMENTER, avec la même immédiateté sèche que le bouton like, sur les mantras bouddhistes à la con de l’une, le clip de B2O de l’autre, et l’extrait de film d’untel.
– adorer tout ce que mes amis détestent, d’où l’importance du bouton dislike aussi, afin qu’ils puissent m’ouvrir les portes de leur hate, et me permettent, vous permettent, de sortir de ces cercles culturels consanguins reposant sur les 20 mêmes disques et 10 mêmes films.

En biens culturels, un dislike vaut un like. Effet Fer à Cheval. Un film, ou un album qu’un de vos amis aura absolument adoré ou détesté vous mettra sans doute plus l’eau à la bouche qu’un film qui l’a laissé neutre. Je ne sais pas si je suis clair, voilà un schéma pour résumer superbement la chose :

Un dislike excédé de la part d’un ami me titillera autant qu’un like. Pour ma part. Et ça dépend aussi des amis – cinématographiquement j’ai certaines connaissances qui sont de véritables boussoles inversées au niveau des gouts. C’est fort pratique. J’aimerais connaitre plus facilement, grâce à facebook, ce qu’ils détestent, afin de me tenir au courant des derniers films à voir absolument.

Et Facebook sera un vrai réseau social le jour où nous nous libérerons du joug de ce positivisme forcé, de ce like à tout va, pour embrasser enfin la complexité de nos relations aux autres, des chemins tortueux qui nous mènent à la culture, et de notre belle propension à ne pas aimer. De cet art de la contradiction, de la vanne et de la hate, discipline dans laquelle la France n’aurait sûrement pas à rougir.

Si Facebook avait été créé par un Français (postulat certes improbable, mais admettons), le bouton dislike serait apparu en premier sur l’interface, et quelque part sur l’internet un américain jeune père de famille et plutôt bogoss militerait pour le like avec fougue et charme. Emu et amusé par sa démonstration, je dislikerais volontiers sur Facebook, histoire de dire.

photo : (cc) quinnanya