(cc-by-nc Lilyfrench)

Le 16 Mai Dernier, je vous présentais le merveilleux phénomène des looners, fétichistes du ballon de baudruche.
A ma grande surprise, de nombreuses requêtes google parviennent chaque jour sur ces mots clés, et certains visiteurs pensent que je suis moi-même un looner, ce qui n’est pas le cas.
Bon disons qu’au pire, je suis un looner orthodoxe : mon truc ce n’est pas exactement le ballon de baudruche. Peut-être pourrais-je avouer un léger faible pour le bubble-gum.

Pour la bulle

Je ne suis pas un bullofétichiste, fétichiste de la bulle, mais j’en ai connu un, et les bullofétichistes ça rigole pas. C’était à l’époque de la fac. Du genre à s’arrêter de parler quand il voyait une fille au loin s’en gonfler une.
Quand nous parlions à une fille qui mâchait un chewing, il trouvait toujours un moment propice pour lâcher, l’air de rien :
– Tu peux faire une bulle ?
– Hein ? faisait la fille.
– Tu sais faire les bulles ? De Chewing-gum ? Tu saurais en faire une, là ?
– Ben ouais mais pourquoi tu me demandes ? Tu vas me l’éclater à la figure ?
– Non, non, regarde, je recule d’un pas. Montre-moi que tu sais faire une bulle. Une bien belle bulle.

Et moi je regardais le sol pendant que la fille soufflait sa bulle, je savais ce que cela représentait pour mon pote bullofétichiste, du coup le moment devenait un peu obscène, la fille s’exécutait et soufflait sa bulle, et mon pote la regardait avec un air précis et écarlate, comme si elle était en train de dégrafer un soutien-gorge. On ne ressort pas complètement indemne d’un pote bullofétichiste.

J’ai perdu contact avec lui, mais ou qu’il soit, je lui dédie cette vidéo, une sorte de graal du bullofétichiste :

Attention, ne pas confondre avec le bulot fétichiste, fétichiste du bulot (le coquillage), qui lui prend son pied en regardant ce genre de stuff.



Pour le bruit

Non, je ne suis pas fétichobulliste, je suis mastiquosonofétichiste. A cause d’une fille, encore à la fac. Nous ne sortions pas ensemble. J’étais open à l’idée, mais elle était maquée avec un connard de scandinave super loin et super con. Mais assez grand et beau pour la faire tenir à distance par sessions de 3 mois. L’air de rien je trainais parfois dans l’appart de cette Penelope des temps moderne, pour être là au cas où le jour où la distance se ferait trop sentir.

Bref, une fois, j’étais assis sur son lit (appart d’étudiant oblige, le lit est dans le salon), et elle fouillait dans ses CD en mâchant un chewing-gum assez bruyamment. Je lui fis remarquer en rigolant.
– Qu’est-ce que tu mâches fort ce truc, on dirait que tu mâches dans un micro, sans déconner.
– (rire de fille). C’est marrant parce que Sven adore ça. [nda le prénom du scandinave a été changé pour le récit, mais c’était un prénom à la con dans le genre, d’ailleurs je ne me souviens plus du vrai prénom, s’il faut d’ailleurs c’était vraiment Sven]
Adore ça ? Comment un mec peut adorer une fille qui mâche fort un chewing-gum ?
– Il ne l’aime pas de cette manière, il l’aime dans l’oreille, comme ça.

Et la fille se penche au dessus du lit, amène sa bouche près de mon oreille, et mastique doucement son chewing-gum.
Je ne sais pas si on vous l’a déjà fait, cela doit être très moyen si c’est une grand mère de 85 ans qui vous le fait, mais de la bouche parfumée d’une fille de 20 ans, ce son, cette musique liquide et élastique m’a fait dresser absolument tous les poils de mon corps. Je n’ai absolument plus pu prononcer un seul mot intelligible pendant 5 bonnes minutes.
Elle avait du faire la démonstration dans mon oreille 10 secondes, mais ces 10 secondes firent de moi un mastiquosonofétichiste, fétichiste du son de chewing-gum mastiqué par une fille.


Pour les couleurs

J’avais 12 ans en 1990 – c’était une époque ou les colorants c’était cool. Les parents protestaient vaguement, mais il y avait des colorants partout. Malabars, Malabars Bi-gouts, Tubble gum, holywood, stimorols, c’était la fête de la couleur, c’était l’amérique aussi, c’était la blonde américaine, la serveuse américaine qui ressert du café chaud en machant son wrigley’s ou son trident.

L’artiste Canadien Jason Kronenwald travaille sur cette association, en proposant dans sa série Gumblondes une galerie de portraits de stars américaines (Britney, Hillary, Avril, Gwyneth, Hayden) réalisées à l’aide de chewing-gum mâché et collé sur planches de bois. C’est superbe.


(c) Jason Kronenwald

L’artiste plasticien Italien Maurizio Savini, que l’on retrouvera tout à l’heure dans le paysage urbain, kiffe le rose et réalise de gigantesques sculptures de chewing-gum.

Il dit au sujet du chewing-gum :

Dans la société contemporaine, cette non-nourriture nourrit un mode de pensée selon lequel toute chose devient jetable. Le travail en soi, cette « préparation », est bien entendu une expérience. Cependant il porte la conscience de sa propre fin, de son essence passagère et temporaire, soulignées par la nature intrinsèquement éphémère du matériau, le chewing-gum.

La diversité des couleurs du chewing-gum a donné l’idée à l’agence DDB Australia d’organiser une campagne très amusante de recyclage, invitant l’homme de la rue à coller son chewing-gum sur des motifs à colorier.


Pour le vécu

Le chewing-gum, c’est un des rares aliments dont on ignore complètement non seulement la provenance, mais également la destinée une fois consommé. Les croutes de chewing sous nos chaises de classe nous ont scientifiquement prouvé que cela ne se biodégrade pas, ou alors super lentement.

Le même Maurizio Savini a travaillé sur la présence urbaine du chewing-gum, en réalisant toujours dans cette matière, des « pollutions » de gomme à des échelles allégoriques.


(c) Maurizio Savini

Mais pas besoin de rester dans l’art contemporain pour apprécier la présence urbaine du chewing-gum. Le chewing-gum est parfois signe de passage, et le plus bel exemple reste la Bubble Gum Alley à San Luis Obispo, Californie. Une allée de 20 mètres ouverte au fil du temps de milliers de chewing-gum usagés par les passants.

D’abord jeu de quelques amis, puis appropriation locale, maintenant attraction touristique. On m’a dit que les magasins autours de l’allée proposaient des distributeurs de chewing-gum pour que les touristes puissent coller leurs chewing-gum sur le mur mythique.


Pour la pègue

Parmi les fétichistes du chewing-gum, voici la pire des catégories, celle que les autres regardent de travers : les péguophiles.
Ils aiment le gluant, le collant, la pègue, comme on dit dans le sud.
Leur film culte est « Les Aventures de Rabbi Jacob », lorsque De Funès tombe dans la cuve de chewing-gum.

Oh ouiiii hmmmm c’est booonnnn…

Oh non, ne riez pas, cela existe vraiment. Les péguophiles se retrouvent la nuit tombée sur Youtube pour regarder des saloperies dans le genre :

Voilà, je crois que j’ai fait le tour de la question. Il y a plus de plaisir à prendre dans le chewing-gum que dans la baudruche, definitely.