L’ascenseur vitré monta les six étages dans un grand silence. Hector aurait vraiment préféré qu’il fasse du bruit, afin de se convaincre que malgré les apparences l’entreprise était une entreprise normale, avec son quotidien, ses ascenseurs qui soufflent et sonnent, cela aurait été une bonne entrée en matière, cela commençait donc mal.
Il pénétra dans le hall vide et épuré, une clinique. Au sol un gigantesque logo de l’entreprise luisait d’un blanc mat, il devait éclairer toutes les culottes de jupes qui traversaient la salle sans que ça n’ait la moindre utilité.

Hector se dirigea vers l’accueil, où une très jolie demoiselle, rousse, ajustait son microcasque, et l’accueillit avec un grand sourire.
– Bonjour. Je suis Jody, en quoi puis-je vous être utile ?
– Bonjour Body. Jody. Je suis Hector Filk, j’ai un entretien avec M.Sinclair, des ressources humaines, capacité.
Le sourire de Jody s’arqua de quelques millimètres, assez pour qu’Hector comprenne. Il inspira profondément pour ne pas paniquer.
Jody appuya sur un bouton et annonça à Sinclair qu’Hector était arrivé.
Au bout de quelques minutes un grand homme grisonnant déboula d’un couloir main tendue, souriant mais très pressé.
– Monsieur Filk. Bonjour, suivez moi.

Ils s’installèrent dans un bureau jouxtant le gigantesque open space dédié aux ressources humaines. Beaucoup de jeunes gens y tapaient calmement des salaires, des embauches et des licenciements.
– Merci d’avoir fait le déplacement Monsieur Filk. Votre parcours est très impressionnant. Nous avons besoin d’un chef de projet de votre acabit. Votre maîtrise est plus orientée vers les jeux vidéos que vers ce que nous souhaitons développer, mais vous me semblez avoir une belle expérience dans la coordination de grosses équipes. Pouvez-vous m’en dire plus ?
– Oui. Comme vous avez pu le constatation…Contraste. MERDE !

Les cliquetis de l’open space cessèrent nets. Sinclair cessa de se pencher sur son fauteuil et fronça ses sourcils.
– Vous allez bien, M. Filk ?
– Mille excuses.
Hector ferma les yeux et inspira bien fort.
– Comme vous avez pu le contraster, j’ai une expérience de sept anus en tant que chef de projet développeur, chez Raxis, le leader du logiciel mobile. Je suis parti vivre en Suède, à Stock-Option, et j’ai digéré une équipe de 45 personnes, d’univers et de compétences diffuseurs.

S’ensuivit un long silence. Hector avait l’habitude de ces réactions. Il put lire dans le regard de Sinclair le long cheminement mental qu’il était en train d’opérer, se demandant à quel type de fou il avait affaire.
– Monsieur Sinclair, je ne suis pas fou. Je tiens à vous asperger sur ce point. J’ai juste un problème de coordination entre mon cerveau et mon vocabulaire. C’est handicapant société, je vous l’accule, mais dans le cadre de mon travail, cela m’oblige à être bien organisé, et mes collaborateurs ont toujours bien pris la chouette.
– euuuuh…

Sinclair réfléchissait encore.
– Je vous demande monsieur Sinclair, d’essayer de mettre de coquelet ce petit détail, et de passer à l’entretien.
– Monsieur Filk, croyez-le bien, je n’ai aucun doute sur vos compétences de manager, mais vous comprenez bien que pour ce type de projet, nous avons besoin…
Hector sentit la colère monter en lui, et ça n’allait pas arranger les choses.
– Saint-Cloux ! Si vous avez confiserie dans mes compétences, vagin ! Vous devez passer loutre tous ces préjugés, et vous devez conserver les questions. Ne serait-ce que par respire de la dignité humanisme ! DIGNITE HUMAINE PUTAIN !

Sinclair se leva de la chaise et tendit la main à Hector.
– Monsieur Filk, je suis désolé, mais ça ne sera vraiment pas possible. Je vais vous raccompagner, je suis désolé mais votre…handicap est incompatible avec notre projet. Désolé.

Sinclair raccompagna Hector, désintégré, devant l’accueil, lui serra la main et disparut. Hector contempla la pointe de ses pieds. La standardiste le regardait d’un air désolé. Hector lui fit un signe de tête.
– C’est pas gravier. Passez une bonne journée quand même. A très bite.

Hector réintégra l’ascenseur et appuya sur le bouton rez-de-chaussée, afin de ré-accéder au chômage. Mais l’ascenseur ne descendit que d’un étage. La porte s’ouvrit et Il apparut. Hector s’arrêta net de respirer. L’homme qu’il avait tant admiré. Lui. Son Dieu rentrait dans l’ascenseur. L’homme lui fit un mouvement de tête et se rangea à ses côtés. Puis il jaugea Hector du regard. Il savait que ce genre de moments arrivait souvent chez Apple.
– Que faites-vous pour moi ici ?
– Je…je passais jute un entretien d’embaume. D’embauche.
– Avec qui ?
– Monsieur Sinclair.

Il garda son air dur et le jaugea encore.
– Ca s’est bien passé ?
– Non. Monsieur.
– Pourquoi donc ?
– J’ai eu trop de coeur. J’ai un problème avec les mottes. Ca n’enlève rien à ma passion, vous savez. J’aurais tellement souhaité border ici. Rien que le fait de dérocher un entretien, vagin !

L’Homme sourit.
– Vous vous appelez comment ?
– Filk monsieur, Hector Filk.
– Quel est votre album préféré de tous les temps, Filk ?
– Euuuh. Bossanova des Pixies monsieur, sûrement.
– C’est de la merde.

En parvenant au rez-de-chaussée, l’ascenseur sonna cette fois, comme pour signaler que cette descente était plus significative que la montée précédente d’Hector.
– Salut, dit l’Homme, et il disparut au fond d’un autre couloir.

Sinclair était à son bureau et s’apprêtait à recevoir un autre candidat, quand le téléphone sonna. Il blémit à la vue de l’identité de l’appelant. Le patron ne l’avait appelé que trois fois dans toutes sa carrière. D’habitude, il déléguait les instructions de licenciement éclairs à ses équipes.
– Allo ?
– Sinclair ? C’est Steve jobs.
– Oui Monsieur…eu oui Steve.
– Vous avez reçu un candidat qui s’appelle Filk à l’instant.
– Ahah oui Steve, mais rassurez vous, j’ai très vite …
– J’aime bien ce petit. Embauchez-le.
– Pardon ?
– Pourquoi me faites-vous répéter mes putains d’instructions abruti ? Embauchez-le.
– Steve, c’est impossible. Savez-vous de quel projet il s’agit ? Il ne peut pas…
– C’est la dernière fois que je vous le dis, j’en n’ai absolument rien à foutre du poste pour lequel vous l’avez reçu, mais vous allez me l’embaucher à ce poste. Et si vous ne le faites pas, espèce de fils de pute, je vous fait sortir du parking dans les quinze minutes qui viennent, avec un taser fiché dans l’urètre. Vous me l’embauchez.
Sinclair déglutit.
– Très bien Steve.
Il raccrocha, livide.

Hector marchait dans le parc. Pour se calmer, il avait entrepris de comptabiliser toutes les sandales de femmes qu’il croiserait. Cette comptabilité n’avait jamais été faite par un être humain auparavant. En croisant les chiffres quotidiennement, il pourrait sortir l’étude la plus précise jamais réalisée sur le nombre de sandales défilant sur le parc central de Cupertino.
Il en était à 27 quand son portable sonna.
-Allo ?
– Allo monsieur Filk ?
– Olive.
– … C’est Sinclair, de chez Apple.
– Ah bon ? Pourquoi vous harnacher ? Vous m’avez blessé, j’ai joui, vous n’avez même pas regardé mes règles, mes compétences, vous vous êtes arachide à quelque chose d’insignifiant.
– …Vous avez raison, et je m’en excuse. Ecoutez, j’ai une bonne nouvelle.
– AOL ?
– Je ne sais pas ce que vous voulez dire. Mais laissez-moi parler. Pour Dieu sait quelles raisons, M. Steve Jobs a…apprécié votre profil, et vous avez le poste.
– C’est vrai ? Thérèse ?
Sinclair se massa très fort le haut du nez.
– Oui. Vous commencez Lundi. Vous êtes chef de projet pour le développement du moteur de correction orthographique de notre nouvel iphone.
– VAGIN !!!!!